JavaScript must be enabled in order for you to see "WP Copy Data Protect" effect. However, it seems JavaScript is either disabled or not supported by your browser. To see full result of "WP Copy Data Protector", enable JavaScript by changing your browser options, then try again.
Rachad 29 avril 2021

Une pensée pour un grand-frère qui nous a quittés le 29 avril 2017 Wo mdri mwema kodja homo ho msiruni : l’arbre fructueux n’est pas resté longtemps dans la forêt Aboubacar Cheikh est décédé à Paris, le 29 avril 2017. De ce fait, je reviens sur le parcours extraordinaire de ce baobab de la culture comorienne et défenseur des causes nobles afin de renforcer la notion du devoir de mémoire pour les générations à venir. En 1915, Zema Bwana apprend la mort de son fils, Masimu, tué par les colons dans le village de Samba Madi(village frontalier entre la région de Dimani et celle du Washili). Puis, elle s’exprime, dans une complainte célèbre, en ces termes : «Woyi Dafine idjundu shahara »(voici Dafine, la tempête déchainée). En effet, le 29 avril 2017, dans un autre contexte, une forme de tempête passe et emporte la vie de notre cher grand frère Aboubacar Cheikh. Né en 1957 à Moroni, Aboubacar Cheikh est descendant de la lignée prestigieuse de Mohamed bin Cheikh Ahmed Al Maarouf (1851-1904).

Il fait ses études primaires et secondaires à Moroni. Au Lycée Said Mohamed Cheikh, le jeune Aboubacar tisse davantage de relations avec les autres élèves venant de quatre iles des Comores. Et il devient une personnalité fédératrice au sein du Lycée Said Mohomed Cheikh. Un camarade originaire de l’île d’Anjouan se souvient de lui : « Aboubacar Cheikh était toujours en avance, et il arrivait à discuter avec tout le monde. Il était humble, éloquent et charismatique » (entretien, 13 mai 2017). A la fin des années 60, les Comores connaissent l’avènement des mouvements indépendantistes tels que le M.O.L.I.N.A.C.O (Mouvement de la Libération Nationale des Comores) et le P.S.O.C.O (parti socialiste des Comores).

Dans cette atmosphère d’endoctrinement révolutionnaire, Aboubacar découvre progressivement les idées anti coloniales et anti impérialistes. Ainsi, il se lie d’amitié avec un certain Abdoulkader Hamis, un jeune autodidacte, pétri de culture révolutionnaire. Aux années 70, Abdoulkader Hamis et Aboubacar Cheikh se lancent à fond dans le militantisme culturel et politique. Ils transforment l’UFAD (Union Fraternelle d’Art Dramatique) en UFAC (l’Union des Forces d’Action Culturelle). Aboubacar Cheikh en profite pour composer et interpréter une merveilleuse chanson très engagée pour la cause palestinienne, intitulée « Riwunge mhono ye nkodo ya Palestine !» (nous devons soutenir le combat du peuple palestinien !). En 1980, Aboubacar Cheikh se retrouve en France, après avoir obtenu son baccalauréat.

En France, il se trouve au sein des « camarades de mérite » de l’ASEC(Association des Stagiaires Étudiants des Comores) et de son grand frère Mohamed Cheikh. Entre temps, il s’inscrit en communication (branche de l’audio-visuel)à l’Université. Mais la situation se complique car la plupart des camarades commencent à rentrer aux Comores pour aller créer le futur Front et combattre le régime du président Ahmed Abdallah. Puis, il apprend, avec stupéfaction et mélancolie , l’assassinat mystérieux, le 2 janvier 1981, à Moroni, de son camarade de lutte Abdoulkader Hamis. Après les évènements du 8 mars1985(le bureau exécutif du Front Démocratique ainsi ses militants sont arrêtés suite à un coup d’État fomenté), Aboubacar Cheikh revient aux Comores.

Il commence alors à travailler au Ministère de l’Éducation Nationale en tant que professeur et formateur. Au début des années 90, il s’engage pleinement pour la construction du Centre Socioculturel de Mtsangani(CASM). Il devient le pivot de l’installation et de la mise en marche de l’équipement de l’audio-visuel de cette structure associative. En juillet 1997, il fait partie des enseignants qui pilotent le stage des bacheliers voulant poursuivre leurs études en France.

En novembre 1998, il se trouve à la tête des organisateurs du concert conçu pour financer la lutte contre le choléra aux Comores. Ce concert regroupe des artistes comoriens et la diva du groupe Kassav, Jocelyne Béroard. Enfin, cet apôtre des causes nobles livre un dernier combat consistant à rendre dynamique et à rehausser l’image du CASM-France. Avec conviction, détermination et opiniâtreté, il devient, en 2014, le président de cette association. Par conséquent, Aboubacar Cheikh shinu shiwe sha nguzo sha henda (c’est un pilier central qui est parti). En achevant mon propos, j’ai une pensée particulière à ses enfants Nawad, Faida et Hikma

Ibrahim Barwane