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Rachad 14 septembre 2013

 

Masséande

Bonjour, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous présenter vos responsabilités ?

Masséande Chami-Allaoui, enseignante- chercheure en littérature comparée (littératures comoriennes et francophones). Je suis actuellement Directrice des Relations Universitaires Internationales à l’Université des Comores.

Mes missions portent l’initialisation, la formulation et la mise en œuvre de projets à l’international en coordination avec l’équipe de la Direction centrale de l’Université et en particulier avec le Président de l’Université M. Mohamed Rachadi Ibrahim et en relation avec les différentes composantes de l’Université. C’est un travail qui exige un suivi permanent de nos accords avec nos partenaires institutionnels, d’être au fait des appels d’offres qui permettent aux universités de tous les pays du monde d’asseoir, avec des financements internationaux, des collaborations ciblées pour des projets concrets et évaluables en termes de résultats. C’est une activité qui exige une connaissance de la politique éducative, culturelle et scientifique de notre pays. En effet les accords universitaires doivent s’inscrire dans le contexte général de cette politique et par ailleurs prendre en considération les accords spécifiques avec les pays amis dans ces 3 domaines.

Quels sont les 3 mots qui vous caractérisent le mieux ?

Difficile de répondre à cette question, ce sont les autres qui sont mieux placés pour vous caractériser. Les autres…ce sont d’abord les personnes proches, et surtout celles qui vous jugent dans l’action de tous les jours, dans la vie professionnelle par exemple et sans complaisance. Les 3 mots qui me caractérisent le mieux ?

Apprendre, apprendre toujours et encore et transmettre. J ai utilisé 1 mot et 2 expressions, je me perçois de cette façon… mais je pourrais aussi utiliser d’autres mots pour me caractériser, parler de mes défauts par exemple…des qualités pour certaines personnes peut-être. Restons sur « l’apprendre » « l’apprendre toujours » et « le transmettre », c’est plus neutre, et l’expression est partagée…

Comment avez-vous accédé au poste de Directrice des Relations Internationales de l’Université des Comores ? Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours universitaire et professionnel ?

J’occupe le poste de Directrice des Relations internationales interuniversitaires depuis environ 15mois et après un séjour de plusieurs années à la Réunion où j’ai eu à exercer des fonctions dans la coopération régionale universitaire-,D’abord comme Directrice Régionale de l’Université de l’Océan Indien et par la suite comme chargée de Mission Zone Océan Indien à la Direction des Relations Internationales à l’Université de la Réunion. Je suis revenue aux Comores pour réintégrer l’Université en ma qualité d’enseignante chercheure et l’on m’a confié les responsabilités des Relations Internationales .Ce poste me permet actuellement de capitaliser mon expérience, d’œuvrer avec l’Administration de l’Université et les différentes composantes à renforcer notre coopération avec nos partenaires. Mon expérience me permet de mieux accompagner les collègues qui portent des projets scientifiques et d’accompagner aussi les étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études à l’extérieur.

Mon parcours universitaire et professionnel…

Après un baccalauréat littéraire obtenu aux Comores en 1974, un an avant l’Indépendance des Comores, je suis partie en France et précisément à Nantes où j’ai poursuivi des études de Lettres Modernes jusqu’au 3ème cycle. Je me suis spécialisée en littérature comparée (littérature française et francophone et littérature comorienne orale).

Toujours dans ce domaine de la littérature comparée, j’ai soutenu par la suite une thèse sur les « réécritures dans les littératures de l’Archipel des Comores », précisément en octobre 2011. Dès le début de ma carrière j’ai exercé dans l’enseignement et la recherche. D’abord en France dans des établissements secondaires. Une expérience qui m’a beaucoup aidée lorsque je suis rentrée aux Comores dans les années 1985 et que j’ai dû intervenir à l’Ecole Nationale d’Enseignement Supérieur (ENES) de Mvouni pour la formation des enseignants des collèges.

C’est entre le Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique(CNDRS) et l’ENESde MVUNI) que j’ai exercé mes activités d’enseignante et de chercheure.

Cette activité entre enseignement et recherche m’ a conduite à prendre des responsabilités au niveau de la gestion des projets et programmes de recherche et assurer par ailleurs la responsabilité d’équipes de chercheurs et du laboratoire des recherches sur les traditions et littératures orales au CNDRS .J’ai pu ainsi après une expérience de plusieurs années accéder au poste de Directrice du CNDRS succédant en 1993 à M. Damir Ben Ali fondateur de l’Institution appelé à exercer des hautes fonctions auprès de la Présidence de la République.

La fonction de Directrice du CNDRS m’a permis de continuer à un autre niveau à animer des équipes de recherches, à développer des programmes internationaux de coopération scientifique. Rappelons qu’à l’époque et de manière presque exclusive et jusqu’ à la création de l’Université en 2003, le CNDRS était le pôle scientifique du pays. Ses missions dans la cadre de la muséologie, de l’archivistique, de la documentation, des recherches en sciences humaines et de l’environnement avaient favorisé la mise en œuvre des projets dans le cadre de conventions universitaires et scientifiques ou avec l’appui des coopérations bi- latérales en premier lieu la coopération française, et d’autres comme les coopérations suédoise, japonaise ou canadienne, pour ne citer que celles- là .Le CNDRS bénéficiait aussi de l’appui d’organismes comme l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) anciennement Agence Culturelle de Coopération Technique (ACCT) et un opérateur de cette organisation internationale l’AUF( Agence Universitaire de la Francophonie) anciennement AUPELF-UREF , l’UNESCO , de l’Union Européenne ou du PNUD….

Cette activité intense dans la mise en œuvre de programmes à l’international déjà présente dès la création du CNDRS, s’est renforcée grâce à la confiance de l’Etat, des partenaires de la coopération internationale et surtout grâce à l’adhésion des usagers de toutes origines sociales au « Projet CNDRS ». Pour ces derniers le CNDRS était « la Maison du Patrimoine et de la Science ».

Mes fonctions au CNDRS et mes activités de chercheure m’ont permis d’acquérir une expérience intéressante dans la gestion de programmes de coopération internationale et d’ asseoir des collaborations diversifiées avec des partenaires extérieurs dans les domaines de compétences couvertes par le CNDRS, notamment dans la recherche et le patrimoine naturel et culturel.

C’est cette expérience qui m’a servi lorsque j’ai eu à mettre en place l’Université de l’Océan (UOI) et à coordonner les projets de formation et de recherche par la mise en réseau des établissements d’enseignement supérieur et de recherches des 5 pays de la Commission de l’Océan Indien (COI). C’est un des projets phare de la COI, qui a été bien apprécié par les bénéficiaires directs – étudiants et les universitaires de la sous- région-. Cette expérience leur a permis en effet de travailler autrement : mettre en place des projets communs et mutualiser les ressources humaines et institutionnelles dans des domaines d’intérêt prioritaires pour 5 pays membres de la COI. C’est une des belles réussites de la COI. Le projet a été d’ailleurs bien évalué par le bailleur de fonds principal , l’Union européenne.

Votre poste implique une grande mobilité. De manière générale, comment faites-vous pour concilier toutes vos activités professionnelles avec votre vie de famille ou votre vie privée ?

J’ai toujours pu concilier mes responsabilités avec ma vie de famille et ma vie privée. Je ne dis pas que c’est facile. J’ai eu la chance d’avoir un mari progressiste qui épouse fortement les idéaux d’émancipation et singulièrement celle de la femme. Etant par ailleurs un des principaux initiateurs de la presse écrite indépendante aux Comores, il a toujours compris et soutenu mes projets. J’ai aussi des enfants qui, lorsqu’ils ont grandi ont toujours aimé ce que je faisais. Il est vrai que c’est une réelle chance surtout dans un pays de culture musulmane où les schémas classiques et traditionnels de la famille sont tenaces. Mais ne s’agit- il pas quelquefois de simples représentations ?

Quels sont, selon vous, les principaux atouts de la coopération universitaire, culturelle et scientifique entreprise par l’Université des Comores avec les établissements d’autres pays ?

Les atouts ? En premier lieu l’ouverture à l’international et aux autres mondes, c’est essentiel pour toute université quelque soient ces capacités. C’est essentiel surtout pour une université jeune comparée à celles avec lesquelles nous avons établi des accords. Nous devons nous appuyer sur les expériences des autres pour que notre université partage les normes .reconnus dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il s’agit notamment des systèmes de gouvernance académique et universitaire, de l’harmonisation des cursus en nous conformant à des normes internationales. Il nous faut absolument nous inspirer de l’expérience de nos partenaires pour que notre université assure sa seconde mission fondamentale, celle de la recherche. En second lieu, l’ouverture à l’international nous permet de participer à des réseaux universitaires et scientifiques grâce à l’accompagnement de nos partenaires de la coopération bilatérale et multilatérale.

L’Université doit donc continuer le processus de diversification de ces partenariats universitaires et scientifiques. Il ne s’agit pas seulement de signer de conventions, il s’agit aussi de définir des priorités pour que les conventions signées puissent réellement porter les fruits d’une volonté de collaborer sur la base de projets partagés. Dans ce domaine, l’action de l’Université- de manière idéale -devrait se construire en cohérence avec la politique de notre pays (cf. les accords signés avec les autres pays). Nos relations avec les partenaires du monde universitaire et de la recherche doivent tenir compte de notre appartenance notamment à des organismes d’intégration régionale comme la Commission de l’Océan Indien, le COMESA ou à des organismes comme l’Organisation Internationale de la Francophonie ; la ligue arabe, la ligue islamique, etc.

Les accords bilatéraux doivent aussi être utilisés à l’avantage de la politique universitaire en matière de relations internationales en tenant compte de l’histoire qui nous lie aux pays avec lesquels nous signons nos accords et n’oubliant pas que dans toute relation entre pays nous devons aussi regarder l’avenir.

Avec plus de 45% d’étudiantes à l’Université, le taux de féminisation est élevé. C’est pourtant dans les filières professionnelles qu’elles sont présentes en majorité. Comment expliquez-vous ce choix d’orientation ?

Pour pouvoir répondre à votre question, il faudrait une analyse fine de ces données statistiques.

Nous ne pouvons pour le moment que rester sur des constats et faire des observations qui ne peuvent pas remplacer une analyse qualitative qui reste à faire de ces données chiffrées collectées par la Direction des études et de la scolarité de l’Université. Oui, le taux de féminisation est en effet élevé à l’Université, ce taux de féminisation élevé peut être noté dans les autres niveaux du système éducatif. Certaines personnes qui restent sur des a priori ont tendance à penser que les jeunes femmes dans un pays où les traditions sont fortes ont peu accès l’accès à l’enseignement supérieur .Ils oublient souvent que l’idéal musulman est porté par la recherche du savoir et des connaissances. Il est vrai que les familles constatent aussi que l’autonomie des femmes passe par la formation qui mène à un métier donc à l’accès à un emploi. Protéger les femmes dans une société caractérisée par une forte instabilité conjugale, et où le système de la répudiation à l’initiative de l’homme peut vulnérabiliser les femmes qui en sont victimes, c’est aider les plus jeunes à se former. S’agissant du choix des filières professionnelles, nous ne pouvons qu’énoncer des hypothèses qui restent à vérifier par des enquêtes plus approfondies.

Peut- être le manque d’orientation en amont dès le secondaire ne permet pas aux futurs étudiants de s’engager dans des études longues qui ne permettent d’avoir des réponses claires aux questionnements d’insertion professionnelle Faire des études pour quel métier ? Quelles études pour ne pas se trouver au chômage ? Il manque par ailleurs à l’Université un service d’orientation et d’insertion professionnelle qui permettrait aux étudiants de pouvoir accéder à une information leur permettant de comprendre les choix qu’ils font en termes de parcours. Il nous faut mettre en place après 1O ans d’existence un dispositif permanent entre le monde de l’entreprise et l’Université. Ce dialogue monde économique/ université est utile pour mieux orienter nos jeunes.

Autre hypothèse ce choix des filières professionnelles et courtes serait- il le moyen de permettre aux jeunes filles de pouvoir concilier le projet d’études et le projet marital dans un pays de tradition musulmane où le mariage est un enjeu de société , et reste une institution forte quelque soit la forme qu’ il prend .Il ne s’agit que d’une hypothèse qui reste à vérifier.

Que pensez-vous de l’application du principe d’égalité hommes/femmes aux Comores ?

J’ai toujours constaté une présence forte des femmes comoriennes dans la vie sociale et économique comparée à la situation des femmes dans d’autres sociétés musulmanes, catégories sociales confondues, dans la vie sociale et économique. Le rôle de la femme dans la société comorienne, hors sphère politique, est notoire. La coexistence de traditions matrilinéaires fortes qui coexistent avec un système patrilinéaire héritée de l’ islam, peut expliquer cette forte présence des femmes comoriennes Rappelons que le principe de la résidence matrilocale partagée dans l’ensemble des îles participe au renforcement de cette force sociale détenue par les femmes. Dans un système musulman où la polygamie est encore vivace- et source d’une grande instabilité conjugale- les femmes comoriennes sont souvent responsables de leur foyer car pour la majorité la maison leur appartient (de la plus modeste à la plus aisée). Si Le rôle de la femme dans la société comorienne, hors sphère politique, est notoire, il nous faut toutefois constater que la femme comorienne est peu présente dans les instances de décision au niveau politique et étatique. Certes des efforts sont faits ces derniers temps notamment avec la nomination de femmes à des postes de décision, mais le retard à combler reste tout de même encore important.

Quels conseils donneriez-vous aujourd’hui aux jeunes comoriens, hommes et femmes, qui souhaitent contribuer au développement de leur pays ?

Des conseils… Ils sont les mêmes depuis le début de ma carrière d’enseignante. Nos jeunes, hommes et femmes doivent suivre le chemin de l’ECOLE, apprendre, se former et avoir un projet de vie. Porter ce projet avec enthousiasme et ne jamais baisser les bras même s’il vous arrive de trouver des embûches sur vote chemin. C’est ainsi que des projets individuels deviennent des projets collectifs. Guidés par l’éthique de d’intérêt général nos jeunes peuvent certainement contribuer au développement de leur pays.

 

Source: ambafrance-km.org.

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