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Rachad 9 mai 2015

mts

Début juin les villes et villages deviennent des ruches de mashuhuli pendant 3 mois. Dans les cités pluricentenaires les visiteurs de la diaspora et résidents  apprécient les médinas au regard de leurs fonctionnalités dans les cérémonies ; capacité d’accueil, le risque réel ou supposé que leur état présente pour la sécurité.

Des associations comme  le Collectif du Patrimoine et dans une certaine mesure  Ulanga sensibilisent la population et les autorités sur l’entretien et la valorisation du patrimoine bâti.

La mosquée de Mtsangani à Moroni a fait l’objet de débats ces derniers mois. 3 réunions ont eu lieu au CASM. L’idée de raser la mosquée  semble être abandonnée. Un consensus s’est fait autour d’une rénovation.

Ci- dessous le point de vue de l’architecte Abdallah Naguib, conservateur du Musée du CNDRS

Les Comores ont ratifié depuis 2000 la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. Cependant, eu égard aux dimensions et aux valeurs de son patrimoine, notre pays reste notoirement sous-représenté sur la Liste du Patrimoine Mondial. Cette situation qui semble perdurer, est d’autant plus préoccupante que des risques évidents continuent de peser sur l’état de conservation de nos biens, dans toutes les régions naturelles et culturelles du pays. L’ensemble de ces biens est constamment en proie aux intempéries, aux effets anthropiques, aux processus de modernisation, d’élargissement des zones d’habitation ou de production rurale, voire à des cas d’appropriation illégitime.

Par conséquent, en fonction de la Liste Indicative des Comores, reconnue par le Centre du Patrimoine Mondial, la soumission d’une proposition pour inscription constitue à la fois un défi majeur, une nécessité évidente et un objectif d’extrême urgence. Moroni, comme Mutsamudu, Domoni, Iconi et Itsandra, forment un seul site en série parmi trois autres, inscrit sur la Liste Indicative du PM de l’Unesco, depuis 2005, dénommé « Sultanats historiques des Comores », répondant aux critères (ii), (iv) et (v) des Orientations. La destruction volontaire d’un élément représentatif de ce site en série, met en péril l’authenticité et l’intégrité de ce patrimoine (les cinq villes), et amoindri ses chances d’être admis sur la Liste.

Dans une zone déclarée patrimoine naturel, un arbre peut bien tomber, suite aux intempéries ; un de nos cœlacanthes peut bien manquer à l’appel, au moment d’un recensement des espèces marins. Cela n’affecte nullement à son intégrité, ni à son authenticité. Par contre, un patrimoine culturel ne peut se défaire d’un élément architectural (palais, mosquée,…) sans qu’il soit déclaré « patrimoine en péril ». Des travaux de restauration ou de reconstruction « à l’identique » doivent s’y faire pour que le site retrouve son originalité, son intégrité, sa valeur universelle exceptionnelle.

La mosquée de Mtsangani, de part son architecture représentative, répondant au critère d’authenticité pour ce qui est de sa conception et de ses matériaux, son environnement, sa position centrale, sa silhouette visible de loin, est l’un des rares patrimoines bâtis ayant un espace tampon, de tous ses cotés. Ce qui lui vaut une fierté légitime, parmi tous les éléments déclarés «patrimoine architectural national» de la ville de Moroni, qui souvent, n’ont aucun espace tampon, une des conditions primordiales d’un patrimoine bâti.

Alors, vouloir raser cette mosquée, unique en son genre, pour reconstruire une autre à la place, n’apportera guère de changement, en termes d’espace, d’agrandissement. Car il est évident que l’idée qui anime les « partisans pour une nouvelle construction » de la mosquée, n’est autre que l’augmentation de la surface d’accueil. Ce qui est peu probable. La trame cellulaire des lieux ne peut prêter occasion à telle perspective. Une nouvelle construction, à moins qu’on ne rase également nos parents qui reposent au Nord de la mosquée, ne peut se faire que sur les mêmes fondations existantes. Elever des murs en agglomérés, à la place des murs en moellons, certes apportera un peu plus, juste quelques centimètres carrés de surface. Mais ces quelques centimètres gagnés, vaudront-ils des millions de francs investis, pour finalement se retrouver devant le même problème de surface d’accueil au bout de cinq ans ?

Il se peut également que ce groupe « partisans pour une nouvelle construction », soit animé d’une autre volonté, que celle du gain en capacité d’accueil. Celle de l’esthétique par exemple. Le groupe voudrait sans doute reconstruire la mosquée pour lui attribuer une nouvelle forme, un nouveau visage, un new look ! Nouvelles façades avec des nouvelles arcades et nouveaux crénelages ; baies vitrées et portes coulissantes vitrées ; climatisation centrale ; carrelage en grès-cérame ou en marbre ; etc., etc. Résultat : une mosquée avec une architecture que nul ne pourrait classer ni situer dans l’histoire ni dans l’époque moderne comorienne. Et un quartier abâtardi, mi-béton, mi-vitre, mi-bois, mi-pierre de lave, mi-chaux, mi-choux (!), telle la carcasse d’un dragon légendaire, dans une mythologie chinoise.

Quelles autres raisons pourraient bien animer l’esprit de ce groupe, à part la capacité d’accueil  ou l’esthétique (notion relative) des lieux ?

Laissons perdurer ce joyau architectural, pour les générations futures ! Nous l’avons trouvez là parce que nos parents nous l’ont légué et que nous comptons bien la transmettre à nos enfants !

Abdallah Naguib

Architecte-conservateur, CNDRS

 

Said Mchangama

Président de la Fédération Comorienne des Consommateurs (FCC).