C’est un homme extraordinaire qui vient de nous quitter. Sans doute, il occupera une place importante dans l’Histoire comorienne. Il occupera une place parmi les Immortels par son éloquence et par son élégance.
Personnage haut en couleur et au verbe raffiné et éloquent, l’ancien gouverneur élu de la Grande Comores de 1978 à 1983 est mort en fin d’après-midi à Moroni dans sa résidence de Zilmadjou. Saïd Hassane « ndjizi » surnom lié à son éloquence hors norme est l’une des dernières figures du pays après l’indépendance qui disparaît. C’était une « bête de scène » qui savait capter son auditoire grâce à son humour et son savoir-être. Il avait l’art de plaire, de séduire à son public et de se faire applaudir.
Un homme au parcours exceptionnel
Né en 1932 à Foumbouni de la grande lignée du Sultan Hachim de M’badjini et de la famille Bani Aboubakr Bin Salim venant de Yemen (Hadharmot), Saïd Hassane a pu conquérir le peuple comorien par sa simplicité, son authenticité et son élégance. Autodidacte, il a gravi les échelons des fonctions publiques et a été l’un des militants de l’indépendance des Comores. Fervent militant du leader du parti vert Saïd Mohamed Cheikh, il a fait sa brillante carrière sous les présidents Abdallah, Djohar et Mohamed Taki Abdoulkarim.
Député sous la colonisation, il faisait partie de la délégation comorienne qui négocia les accords du 15 juin 1973, base fondatrice de l’indépendance négociée entre la France et les Comores.
Sous Ali Soilih, il a été brièvement incarcéré.
Après le 13 mai 1978, il fut nommé Ministre durant la période transitoire de mai à octobre 1978 avant d’être élu gouverneur de la Grande Comore. En janvier 1984, Salim Ben Ali, nommé par le président à la suite de la réforme constitutionnelle de 1982, lui succède. Saïd Hassane rejoint Beït Salam en qualité de Ministre d’État à la présidence chargé des Relations avec le Parlement.
En 1985, il est nommé Ministre d’État chargé de plusieurs portefeuilles dont la production et l’aménagement du territoire. C’est dans cette période qu’il lance les grands projets du CEFADER qui devraient faciliter la production locale et atteindre l’autosuffisance alimentaire.
Le 21 septembre 1985, il a démissionné de son poste de Ministre d’État au nom de sa solidarité avec Ali Mroudjaé. Le président Abdallah avait pris la décision de limoger M. Mroudjaé souhaitant garder M. Bazi et M. Said Hassane dans leur portefeuille respectif. Les deux derniers ont choix de quitter le régime pour rejoindre l’opposition.
Candidat malheureux aux élections législatives de 1987 à la période dite « ravoti o wana », il a été battu par Omar Tamou, ministre de l’intérieur. Il fera partie cette même année de la délégation de l’opposition à la rencontre avec le président Abdallah pour exiger « vérité et justice » sur l’assassinat de deux jeunes de Magoudjou et de Gaya de Nioumamilima.
Début 1989, Monsieur Saïd Hassane s’est réconcilié avec Ahmed Abdallah conduisant la campagne pour le « Oui » au référendum de novembre 1989. Le président Abdallah a été assassiné avant la promulgation de cette réforme qui devait, en principe, conduire Saïd Hassane Saïd Hachim à la primature.
Aux élections présidentielles de 1990, un temps pressenti pour conduire le parti au pouvoir, il soutiendra le président par intérim, Saïd Mohamed Djohar, qui le nommera après l’élection Ministre d’État, ministre de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
En 1991, il est nommé Ministre des affaires étrangères en remplacement de Monsieur Mtara Maécha. Parmi ses faits d’armes, l’agrandissement du ministère des affaires étrangères, le début des pourparlers de l’adhésion des Comores au monde arabe et l’organisation assurée par les Comores de la conférence islamique à Moroni.
En 1993, il est élu député de l’opposition et devient président de la commission parlementaire de l’opposition à l’Assemblée Nationale. Usant de son vrai-parler avec parcimonie et élégance, il a mis à mal plusieurs fois le gouvernement dans le cadre des affaires Ashley et d’autres concernant les gendres et les enfants de Djohar.
Candidat malheureux aux présidentielles, il soutient Taki qui le nomma Ambassadeur des Comores en France, poste qu’il occupa jusqu’en 1999 où il démissionna face aux humiliations du régime Azali qui l’a privé de moyens de fonctionnement de l’ambassade et de subsistance en tant que père de famille en France.
Depuis cette date, Said Hassane entre dans la scène de grand sage de la Nation, choisissant distiller les conseils et les engagements apolitiques pour continuer à servir autrement l’intérêt général.
Les occasions ratées d’Azali.
Azali a toujours manqué d’élégance et de courtoisie envers ce sage assez exceptionnel. Après le coup d’État de 1999, j’ai passé deux semaines de vacances chez lui au 4 rue Alphand dans le 16ème arrondissement. Durant cette période, l’ambassadeur en titre des Comores ne percevait ni salaire ni moyens de substance.
Azali a manqué de respect à Monsieur Saïd Hassane que celui-ci a décidé de quitter ses fonctions diplomatiques.
Dernièrement, Monsieur Saïd Hassane Saïd Hachim a sollicité auprès d’Azali la liberté conditionnelle de Sambi en demandant simplement le respect des procédures et la garantie que Sambi n’échappera pas à la justice en étant libre. Azali a d’abord refusé de le recevoir, puis déclina avec mépris cette initiative.
Azali prend toujours du plaisir à humilier un homme particulièrement attachant, au tempérament chaleureux et généreux, entier et absolument passionné pour la réconciliation et la concorde nationales. Une scène mémorable s’est bien passée au foyer des femmes de Moroni lorsque le sage Saïd Hassane a refusé de donner le micro à Azali pour le Fatiha. Cet acte de courage a provoqué adhésion pour toutes les couches sociales rendant Saïd Hassane, un être Immortel chez les Comoriens.
Mon histoire particulière.
J’ai connu Saïd Hassane à la mosquée Hassane où mon père était le muezzin. Cette mosquée des Verts et de l’oligrachie de Moroni était le train d’union d’une certaine génération et d’une rigueur morale sans précédente. Gouverneur, il venait souvent s’asseoir à côté de nous pour rigoler et demander nos résultats scolaires.
Gouverneur et ministre, lorsque je partais à l’école primaire Application ou Djomani, il avait cette simplicité de demander à son chauffeur de s’arrêter ou de faire demi-tour pour que je montes dans sa voiture officielle jusqu’à l’école primaire. Très attaché à cet homme, au delà de nos liens familiaux entre les Charif Abdallah et sa mère, les Boinafoumou et Hachim, je lui ai toujours été reconnaissant pour ces gestes simples.
Après sa démission du gouvernement Abdallah en septembre 1985, j’ai demandé à ma mère que je souhaites aller à Foumbouni lui rendre visite. Un dimanche matin, en compagnie de Amir, travaillant à la maison, j’ai fait le trajet Moroni-Foumbouni où j’ai découvert le palais de Missiri, une maison sobre avec de terrains majestueux. Ce geste l’aurait marqué, puisqu’il me disait souvent que certains proches ont fait défection dès sa sortie gouvernementale.
Depuis cette date, j’ai appris à militer dans l’opposition politique, soutenant Saïd Hassane, puis Abbas Djoussouf et brièvement Charif Saïd Ali au moment où il était dans l’opposition.Quelques années plus tard, il devient le grand père de ma nièce Bichara et mon neveu Yassine, fruit d’une union entre ma sœur ainée, Asmahane et Hachim Saïd Hassane.
J’ai donc connu l’Homme public et l’Homme privé. C’est un homme fidèle et très attachant.Avec ma regrettée mère, Saïd Hassane avait une relation fraternelle faite de la haute estime et de la sincérité absolue. Mdzadza Asmahane et Mbaba Hachim sont deux êtres aimant l’Humain, très attachés aux valeurs Humaines et au Respect de l’Autre.
Mbaba Hachim a été donc très présent dans notre vie. Durant l’hospitalisation de ma regrettée mère à Nice, il appelait tous les jours, jour et nuit, pour avoir les nouvelles de sa sœur. Après sa mort, il a tenu à rendre un vibrant hommage à Mdzadza Asmahane lors de la cérémonie funèbre à Moroni- Mtsangani. Alliant mots et deuils, il a su détendre l’atmosphère et rendre sobre une cérémonie empreinte de forte émotion.
Durant ma vie, il s’est souvent mélangeant mes recherches historiques et le fils qu’il appréciait. Je pouvais rester des heures et des heures avec lui et les échanges téléphoniques ont toujours été sous le sceau du plaisir et du rire.
Une fin Heureuse, entrer dans le Panthéon de son vivant.
Chaque être souhaite quitter la vie avec une fin heureuse. Chaque musulman pieux comme lui prie pour une « Khousni Al Khatima ». Saïd Hassane Saïd Hachim est mort avec ce double titre : aimé par les Comoriens et être entré dans le Panthéon comorien de son vivant, notamment après la scène mémorable du foyer de femmes. Un homme de talent nous quitte, une âme riche et pleine de lumière, merci Monsieur Saïd Hassane Saïd Hachim pour vos prises de position courageuses qui tenaient compte des intérêts des Comores . Merci ! vous êtes immortel .
Allah yarhamouhou Incha Allah Amine !!!!
Nakidine Mattoir
Commentaires récents